
Développeur:
Matt Makes Games Inc.
Disponible sur
- Nintendo Switch
- Playstation 4
- XBox One
- PC/MAC/Linux via Steam
➤ Testé sur Nintendo Switch
Il y a de cela quelques années, suite à une multitude d’événements hors de mon contrôle, je me suis vu sombrer dans une dépression profonde qui m’engouffra telle un maelström de peine et de désespoir. Durant cet épisode, mon pire ennemi était moi-même, tel un frère jumeau mal intentionné qui connaissait mes moindres failles. Toute tentative de remonter la pente s’avérait infructueuse à cause de lui. La montagne à escalader semblait chaque jour plus haute, plus escarpée, plus insurmontable que la précédente. Aujourd’hui cette montagne, je l’ai conquise, non sans peine, sans difficulté ou sans séquelles, mais j’ai réussi…
Malgré mon engouement pour les jeux de plateforme en tout genre, je n’avais que très peu porté attention à Celeste avant sa sortie. Son look rétro sur-utilisé ces jours-ci et ma fatigue généralisée pour ce genre de jeu me laissa totalement froid face à Monster Hunter World qui arrivait presque le même jour, moi étant un fanatique de cette série. D’un coup de tête suite aux commentaires élogieux de mon entourage, je pris promptement la décision de l’essayer… et quelle bonne décision ça a été!
Le jeu raconte l’histoire de Madeline, une jeune Canadienne aux prises avec de sérieux troubles d’anxiété et de dépression, dans sa détermination à escalader le mystérieux Mont Celeste. On comprend très rapidement que cette montagne, bien que fictive, a le mystérieux pouvoir de manifester physiquement tout ce qui l’afflige intérieurement. Chaque étape de cette montée est parsemée d’embûches avec des parallèles directs à l’épreuve qu’est de surmonter ses démons dans le monde réel.
Ce genre de métaphore aurais bien pu être implémentée comme une arrière pensée, un simple moteur pour faire avancer le scénario. Ce que nous avons droit ici est un récit touchant, sensible et réaliste quant aux réalités d’une personne anxieuse et a rendu (pour moi) l’épreuve de Madeline une expérience très personnelle. Il est très facile de s’identifier à une héroïne si attachante et déterminée mais aussi faillible.
Plusieurs personnages secondaires feront apparition tout au long de l’aventure de Madeline; une grand-mère ricaneuse qui semble toujours se trouver à des endroits impossibles, Théo, un alpiniste vraiment trop gentil pour exister réellement et un ami précieux durant le périple ou encore l’alter ego de Madeline, la personnification de tout ses démons qui est s’avère être un personnage très intéressant du début à la fin.
Maintenant que le contexte est bien en place, il est important de parler du jeu lui même, sous toutes ses facettes.
Dès le tout premier niveau, il est facile de constater le style simple mais efficace qu’a opté Matt Thorson, le concepteur. Malgré ma fatigue pour le jeu indie au look rétro, il est utilisé ici avec beaucoup de doigté. Que ce soit les sublimes couchers de soleil du chapitre 4, aux parois rocheuses des derniers niveaux, chacun d’entre eux utilisent une palette de couleurs distincte qui leur donnent une personnalité et une ambiance unique. L’usage d’effets est toutefois fait avec parcimonie car le jeu reste clair et il est facile de voir l’action à tout moment. Aucun ralentissement quelconque n’a été perçu même dans les moment les plus intenses.
L’ambiance du jeu prend toute sa forme lorsque l’on rajoute la trame sonore à l’équation. Des thèmes qui évoquent la détermination face à l’impossible ou des mélodies aux sonorités lointaines qui donne l’impression que l’endroit est hanté, tout y passe. Chaque pièce est instantanément mémorable et seront, à mon humble avis, considérées lorsque les différents prix seront attribués à la fin de l’année. Pour les plus persévérants, les niveaux alternatifs débloqués au travers du jeu contiennent un remix qui s’avèrent souvent meilleur que celui du niveau qui l’inspire. En tout et partout, à écouter et ré-écouter et élève le jeu à de nouveaux sommets (jeu de mot totalement volontaire).
Jusqu’à présent, tout ceci ne représente qu’un aspect du jeu. Le gameplay, c’est là ou le génie devient apparent. La liste des contrôles se limite presque uniquement à ceci: bouger, sauter et »dash« . C’est aussi simple que ça! Cette simplicité cache en fait tout un éventail de subtilités qu’il faudra maîtriser durant (et après!) que l’aventure soit terminée. Même lors des derniers niveaux secrets les plus difficiles que Celeste a à offrir, un corbeau m’attendait nonchalamment pour m’indiquer qu’il y a OUI, encore une autre façon d’utiliser ce simple dash que j’ai utilisé 100 000 fois déjà.
Chaque chapitre trouve une nouvelle façon ingénieuse de mettre à profit ces habiletés, que ce soit les poches inter-dimensionnelles du second chapitre ou les bulles-catapulte du chapitre 4, chacune de ces idées sont poussées à leur limite et dans certain niveaux combinées pour créer des épreuves ou l’on se demande simplement comment on va bien passer au travers ça. La raison qu’on y arrive s’explique facilement; les contrôles sont extrêmement solide et répondent à la fraction de seconde près. Madeline est toujours sous votre contrôle, jamais au cours de mes 35 heures de jeu ai-je blâmé le jeu pour mes propres échecs. Comme Super Meat Boy avant lui, les mouvements sont très précis et réclament une maîtrise absolue lors des dernier niveaux. Seul petit bémol toutefois: dans le feu de l’action, les dash en diagonales sont parfois plus difficiles à faire précisément mais avec le temps, on s’habitue et s’ajuste.
Si jusque ici je n’y ai seulement que fait une référence passagère, je l’affirme ici clairement: Celeste est un jeu sans pitié et plus difficile que ce que la majorité des joueurs sont habitués d’affronter. Les 8 niveaux de base sont en soit difficiles mais tout à fait surmontable avec un peu de pratique. Au besoin, une option d’assistance configurable est intégrée au jeu et vous permet d’ajuster le niveau de difficulté comme vous le désirez. Là ou les choses se corsent toutefois, ce sont les infâmes « Cotés B ».
Dans chaque niveau principal vous pourrez trouver une cassette qui, une fois acquise, rend disponible à vous une nouvelle version de ce niveau. Attention! ceci n’est pas un simple remix du niveau existant mais bien un nouveau niveau entier utilisant les mêmes idées de bases mais repensées de façon absolument démoniaque. La première épreuve du coté B fut le moment où Celeste devint un combat personnel, rien n’allais me faire abandonner et cette montagne sera vaincue, tendinite ou non. Certains niveaux m’ont fait perdre plus de vies que le jeu entier, centaines par dessus centaines de tentatives… chaque fois quelques mètres plus loin pour ensuite retomber plus bas et tenter de se relever et monter plus haut. Comme la grand-mère ricaneuse me dit une fois passé une séquence particulièrement difficile: « You get addicted to the struggle« .
Voyez-vous le parallèle? Ce combat qu’est l’anxiété et la dépression est représenté ici subtilement à travers son gameplay autant que sa narrative. Chaque obstacle, chaque séquence deviens une montagne en soi et demande persévérance face à ce qui semble sur le coup insurmontable. La même chose pourrais être dite de d’autre jeux difficiles… mais ici, c’est clairement intentionnel et sert à accompagner et rendre plus puissant le message qu’il essaie de véhiculer. De mémoire, j’ai vu peu de jeux de plateforme avec une morale si bien ficelée à travers toutes ses mécaniques.
L’expérience vécue tout au long de Celeste en a été une de pentes escarpées, d’accomplissement, de tristesse et de sérénité. Une aventure gratifiante qui a su me rappeler pourquoi j’ai une telle passion pour ce medium. Rares sont les jeux que je considèrent parfait, les dizaines d’années de gaming sous mon chapeau ont parfois tendance à me rendre trop critique, blasé ou cynique mais Celeste se retrouve tout en haut de mon palmarès. Un jeu mémorable qui peut plaire à tout le monde, des pros aux absolu débutants grâce à son système d’assistance. Pour ceux d’entre vous susceptibles d’être touchés par le message transmit ici, je vous le recommande chaudement. Pour tout les autres, vous avez tout de même devant vous un jeu de plateforme top-class qui se classe parmi les grands et devrais être joué par tout amateur de jeu. Surmonterez vous la montagne? les cotés B? Ou même peut-être pire encore… Ce qu’il y a après?
Une seconde opinion!
Celeste est une perle rare, un de ces jeux où tous les morceaux se combinent pour créer une œuvre plus grande que la somme de ses parties. Bien longtemps après avoir terminé le jeu, son impact est encore là. La musique inspire un rythme rapide tout en nous gardant zen, le visuel brille de sa simplicité mais épate avec sa palette de couleur en plus d’accompagner le joueur par des détails subtils comme la couleur des cheveux de Madeleine qui change pour indiquer les « dash » restant. L’histoire qui est parfois secondaire dans les jeux de plateforme présente dans ce cas-ci des personnages attachants et même émouvants. Elle se combine habillement à la jouabilité pour encourager la persévérance et le dépassement de soi. En effet, le jeu est très difficile sans être punitif, permettant à la plupart des joueurs de progresser et d’assister à la quête de Madeleine (magnifique personnage) qui est personnalisée par cette grosse montagne Canadienne à surmonter. Plutôt que de s’acharner sur le joueur en insinuant qu’il n’est pas assez bon pour réussir, Celeste veut inciter le joueur à repousser ses limites. Cette attitude se reflète aussi dans son « assist mode » qui permet de moduler son expérience pour aller jusqu’à être invincible avec des « dash » illimités sans toutefois insinuer qu’on devrait avoir honte de l’utiliser. Malgré que le développeur encourage les joueurs à affronter le mode normal, il est conscient que chaque joueur est différent et les invite à utiliser ce mode pour qu’ils puissent apprécier l’expérience au maximum.
Additionnés ensembles, ces éléments font de Celeste un chef-d’œuvre auquel tout le monde devrait jouer! C’est pour moi une pièce d’anthologie où tout tombe en place, qui m’a fait réfléchir non seulement à propos du jeu, mais aussi à propos de ma propre vie et de mon entourage…. Celeste a aussi testé ma patience et ma colère, par moment
-Adam
Une awesome critique
par Mathieu Duchesne